[Interview] Philippe Pelletier, Président du Plan Bâtiment Durable

QE : Quelles sont selon vous les grandes phases du déploiement du Plan de rénovation énergétique des bâtiments depuis 1 an ?

Philippe Pelletier : Le Plan de rénovation énergétique des bâtiments a été présenté par le Gouvernement en avril 2018 : il fixe un cap ambitieux en visant un parc au niveau BBC et la neutralité carbone en 2050 et priorise l’action autour de deux axes, la lutte contre la précarité énergétique et la rénovation des bâtiments publics du quotidien, en particulier le parc éducatif. Depuis un an, les pouvoirs publics, ainsi que l’ensemble des acteurs, œuvrent au déploiement des douze actions prévues dans le plan. Cette première année a notamment vu le lancement de la campagne de communication FAIRE et la signature de la charte « ENGAGÉ POUR FAIRE* » par plus de 130 acteurs, la simplification de l’Eco-PTZ, le lancement d’un appel à programmes CEE, le renouvellement du programme FEEBAT, l’accompagnement à l’innovation avec le programme PROFEEL, les aides aux collectivités territoriales pour rénover leur patrimoine, le renforcement des financements de l’Anah et du nombre de ménages accompagnés, etc.

 

Un certain nombre de chantiers sont actuellement en cours et devraient aboutir dans les prochains mois : concertation autour du décret tertiaire, concertation sur la fiabilisation du DPE, transformation du CITE en prime pour les ménages modestes, préfiguration de l’observatoire national de la rénovation, réforme du RGE

 

Il faut maintenant veiller à renforcer la dynamique et stabiliser les dispositifs incitatifs afin de donner visibilité et confiance aux particuliers. Il est également important de faire confiance aux acteurs territoriaux qui sont la clé pour la pleine réussite du Plan de rénovation.

QE : Face à la recrudescence des arnaqueurs sur le marché de la rénovation énergétique, avez-vous constaté une perte de vitesse de la confiance existante entre les particuliers et les installateurs ?

PP : Il est certain que la recrudescence des arnaqueurs, notamment dans le cadre des opérations « coup de pouce » ou des offres à 1 euro, a un impact sur la confiance des particuliers vis-à-vis des acteurs du marché de la rénovation énergétique. Il est de notre rôle, pouvoirs publics comme professionnels, d’œuvrer collectivement pour renforcer les contrôles et s’assurer de la qualité des offres proposées. Les évolutions de ces derniers mois ont d’ores et déjà permis de renforcer les dispositifs et de lutter plus efficacement contre les arnaques : renforcement des contrôles menés par le PNCEE, engagements de certains acteurs à travers la signature de la charte « ENGAGÉ POUR FAIRE* », informations et conseils apportés par le réseau FAIRE.

 

Des travaux sont en cours visant à améliorer le dispositif RGE notamment à travers un renforcement du mécanisme d’audits de réalisation, l’amélioration du traitement des réclamations et la collaboration avec la DGCCRF pour lutter contre les pratiques illicites. L’ensemble de ces dispositifs couplés à une meilleure information des ménages doit permettre d’améliorer la confiance entre particuliers et installateurs.

QE : Quel est votre regard sur les offres à 1 euro qui fleurissent aujourd’hui sur le marché ?

PP : Les offres à 1 euro sont d’abord révélatrices d’un vrai changement, traduit dans le plan de rénovation : le rôle croissant des CEE dans le financement de la rénovation.

 

« Il ne faut pas perdre de vue deux aspects : la qualité des travaux et la performance des rénovation. »

 

Si elles ont le bénéfice de parler facilement aux particuliers et de susciter le déclenchement des travaux, il ne faut pas perdre de vue deux aspects : la qualité des travaux et la performance des rénovations. Il est nécessaire d’être vigilants sur la qualité des réalisations mais également sur les bonnes pratiques commerciales des entreprises, par exemple sur les questions du démarchage où de nombreux abus ont été constatés.

 

De plus, si les offres à 1 euro peuvent permettre à un ménage de se lancer dans la rénovation énergétique de leur bien, cette dernière ne doit pas se limiter à un seul geste et nous devons guider les particuliers vers des travaux plus ambitieux, tout en s’assurant de respecter un parcours cohérent : avant d’installer une nouvelle chaudière, il faut s’interroger sur l’isolation. C’est là tout le rôle du Réseau FAIRE que d’informer et conseiller les particuliers.

QE : Pensez-vous qu’une solution efficace sera trouvée prochainement pour que propriétaires-bailleurs et locataires s’entendent à propos de la rénovation énergétique ?

PP : Le parc locatif privé représente près de 6,5 millions de logements en France, dont une grande partie de passoires thermiques mais les travaux de rénovation restent compliqués à mettre en œuvre sur ce parc. C’est pourquoi le Plan Bâtiment Durable a lancé au printemps 2019 un groupe de travail sur la rénovation du parc locatif privé, co-conduit par Pierre Hautus (UNPI) et Michel Pelenc (Fédération Soliha). L’objectif est d’imaginer les outils adaptés pour accompagner au mieux les bailleurs et les locataires dans la rénovation des logements. Le groupe a reçu de nombreuses contributions et doit faire ses premières propositions à l’été. Dans un contexte où les sujets du bonus-malus et d’interdiction à la location des passoires thermiques agitent le débat, je ne doute pas que les propositions du groupe seront regardées avec attention.

QE : Quel sera selon vous le plus grand défi de la transition/rénovation énergétique dans les années à venir ?

PP : Alors que nous travaillons depuis près de 10 ans sur la rénovation énergétique, le principal défi reste celui de la massification, et en priorité la lutte contre la précarité énergétique. C’est non seulement nécessaire si l’on souhaite atteindre nos objectifs énergétiques, environnementaux mais également sociaux vis-à-vis de tous ceux qui habitent aujourd’hui dans ces passoires thermiques. La majorité des dispositifs existent, il faut en ajuster certains, en renforcer d’autres mais surtout viser une stabilité des aides dans le temps.

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*A compter d'avril 2022, la charte "Engagé pour Faire" n'est pas reconduite.