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Précarité énergétique : où en est la France ?

Par Romane Saget

Publié le 16/11/2021 à 11h21, mis à jour le 25/11/2021 à 15h55

Le 10 novembre dernier, à l’occasion de la première journée contre la précarité énergétique, l’ONPE a partagé son état des lieux sur la situation des logements en France. Le verdict est sans appel : la précarité énergétique ne faiblit pas. Découvrez notre décryptage et celui de Claire Bally, Responsable de projets précarité énergétique au CLER, sur la situation. 

Une situation stable mais peu glorieuse

Si la précarité énergétique ne recule pas, la situation ne va pas pour autant en s’aggravant. Les derniers indicateurs de l’ONPE indiquent en effet des résultats sensiblement similaires aux années précédentes. Ils n’en sont pas réjouissants pour autant. La France comptabilise un total de 5,6 millions de ménages en situation de précarité énergétique révèle l’ONPE. Parmi eux, 3,5 millions consacrent plus de 8 % de leurs revenus à leurs dépenses énergétiques.

 

L’état du parc de logement est évidemment en cause. Le territoire abrite un total de 4,8 millions de passoires thermiques, des logements classés F et G. Les ménages qui y vivent sont souvent les plus modestes. Mauvaise isolation thermique et systèmes de chauffage peu performants empêchent les ménages de vivre correctement, sans y consacrer une énorme part de leurs revenus. Les fortes hausses des prix de l’énergie, +59% HT pour le gaz depuis janvier et +41% pour l’électricité entre 2011 et 2020, ne font qu’accentuer le problème. 79 % des ménages estiment d’ailleurs que leurs factures énergétiques représentent une part trop importante dans leurs dépenses.

Les ménages français en première ligne

Si les chiffres de la précarité énergétique restent stables, les Français semblent souffrir de plus en plus de la situation. C’est un sujet qui se retrouve au cœur des préoccupations des foyers. Plusieurs études en témoignent et mettent en avant les deux éléments qui définissent le plus la précarité énergétique :
 

  • Le ressenti du froid à la maison : 20 % des Français déclarent avoir souffert du froid chez eux pendant l’hiver 2020-2021*. Un chiffre en hausse de 43 % par rapport à l’année précédente.
  • La difficulté à régler les factures de chauffage : 25 % des Français ont rencontré des difficultés pour payer leurs factures de gaz ou d’électricité*. Un chiffre en hausse de 7 % par rapport à 2020.

 

*15ème édition du baromètre énergie-info - Médiateur national de l'énergie

Nos questions à...

Nous nous sommes entretenus avec Claire Bally, Responsable de projets précarité énergétique au CLER, au sujet de la précarité énergétique en France et des moyens de lutter contre ce phénomène.

 

Pouvez-vous nous expliquer quelles sont vos missions au sein du CLER ?

 

Le CLER est une association nationale qui fédère plus de 300 structures professionnelles : collectivités, entreprises et autres associations qui mettent en œuvre quotidiennement la transition énergétique sur le terrain.

 

Pour ma part, plus spécifiquement, ma mission est d’animer le réseau RAPPEL (réseau des acteurs contre la pauvreté et la précarité énergétique dans le logement). Le réseau met en lien plus de 1000 membres répartis dans toute la France, venus de secteurs différents : l’énergie, l’habitat, l’action sociale mais aussi la santé. Nous pouvons ainsi mettre en commun nos connaissances et œuvrer ensemble pour lutter contre la précarité énergétique, notamment faire en sorte que les politiques publiques prennent en compte ce phénomène.

 

Quel regard portez-vous sur les derniers chiffres de la précarité énergétique en France ?

 

Tout d’abord, ce phénomène a été pris en compte tardivement dans les textes de loi. Il a fallu attendre 2010 avec la Loi Grenelle 2 pour avoir une définition légale de la précarité énergétique, mais les associations n’ont pas attendu cela pour agir sur le terrain. Certaines structures ont constaté la problématique dès les années 1990 et alerté les pouvoirs publics en conséquence.

 

Aujourd’hui, les chiffres de la précarité énergétique sont très importants et risquent de s’aggraver avec la hausse des prix de l’énergie, mais aussi les conditions de vie et les revenus moyens des Français qui ne s’améliorent pas. La priorité, c’est donc la rénovation des logements des ménages les plus modestes : ces gens-là ont très peu de possibilités pour agir sur leur propre situation et la subissent de plein fouet.

 

Qu’est-ce qui explique que les chiffres ne baissent pas au fil des années ?

 

Le problème, c’est qu’on ne rénove pas assez rapidement et pas assez massivement. De plus, il existe de très nombreux dispositifs d’aides ce qui crée une confusion chez les ménages : ils doivent donc impérativement être accompagnés. Nous devons aussi en finir avec l’approche mono-travaux, qui ne permet pas d’atteindre de très bonnes performances énergétiques. Si on ne rénove pas globalement, on ne pourra pas résoudre le problème.

 

Pour ce qui est des aides financières à la rénovation, diriez-vous qu’elles sont suffisantes et adaptées ?

 

Même s’il existe des aides qui sont parfois conséquentes, certains ménages ne peuvent pas avancer le reste à charge des travaux. Il faut donc un prêt d’avance garanti par l’Etat pour avancer le paiement des artisans pour les ménages les plus modestes.

 

Il y a une autre problématique qui est celle des locataires, qui sont les grands oubliés des dispositifs existants. Aujourd’hui, les locataires sont généralement les plus touchés par la précarité énergétique, et pourtant ils sont totalement dépendants du bon vouloir des bailleurs.

 

Je pense également au chèque énergie. D’après une modélisation de l’ONPE, pour que la facture énergétique des ménages ne dépasse pas 8% de leurs revenus et soit donc à un niveau acceptable, il faudrait environ 710€ par logement et par an. Or, on sait qu’en moyenne, le montant du chèque énergie est de 250€ aujourd’hui, c’est donc largement insuffisant.

 

Enfin, le Fonds de Solidarité Logement (FSL) dispose de moyens qui sont clairement limités car tous les fournisseurs d’énergie n’y participent pas (alors qu’ils y sont obligés par la loi). Cela fait que les bénéficiaires sont de moins en moins nombreux, car les conditions d’éligibilités se durcissent.

 

Pouvez-vous nous donner des exemples de solutions mises en place pour lutter contre la précarité énergétique ?

 

Au niveau départemental, le FSL soutient notamment des fonds sociaux d’aides aux petits travaux : ramoner un conduit, réparer une fuite d’eau, entretenir une chaudière… Il alimente également le SLIME (Service local d’intervention pour la maîtrise de l’énergie), un dispositif présent dans 40 collectivités locales qui vise à mieux détecter les ménages en précarité énergétique sur le territoire.

 

Le service public de la performance énergétique de l’habitat (SPPEH) est également un outil intéressant, qui doit être développé pour permettre de mieux accompagner les ménages tout au long de leurs travaux.

 

Avez-vous d’autres idées à nous partager ?

 

Au niveau des artisans, je pense à la création de réseaux locaux pour coordonner leurs différentes compétences. On peut enfin travailler sur la maîtrise du coût des travaux, avec la des expérimentations de plateformes solidaires de matériaux ou de groupements de fournisseurs.

 

Qu’est-ce qui a pu vous surprendre en travaillant sur la précarité énergétique ?

 

Il y a des publics auxquels on ne pense pas forcément en premier lieu. Il y a eu notamment des études très récentes sur la question des étudiants qui sont en dehors des radars et qui sont souvent logés dans des logements très dégradés. Ainsi, les 18-25 ans sont largement touchés par la précarité énergétique et c’est un public qu’il faudrait accompagner davantage.

 

Que diriez-vous aux ménages pour les convaincre de l’intérêt de la rénovation énergétique des logements ?

 

Aujourd’hui, nous travaillons avec des ménages qui sont obligés de faire des arbitrages entre payer leurs factures énergétiques, se chauffer, se loger, se nourrir ou encore éduquer leurs enfants. Rénover son logement, c’est permettre de diminuer un budget qui peut être consacré à des choses essentielles.

Romane Saget

Journaliste web pour Effy

Journaliste pour les sites du Groupe Effy, je suis devenue experte en rénovation énergétique. Les travaux de chauffage et d'isolation n'ont plus de secret pour moi, et n'en auront bientôt plus pour vous !