L’usage du numérique est-il mauvais pour l’environnement ?

A chaque fois que vous envoyez un e-mail, que vous effectuez une recherche sur internet, que vous utilisez une application ou que vous faites n’importe quelle manipulation virtuelle sur votre téléphone, vous avez un impact bien réel sur l’environnement. Notre usage des télécommunications évoluant de manière exponentielle, les conséquences néfastes qu’elles engendrent deviennent de plus en plus difficiles à ignorer. L’économie du dématérialisé, autrefois acclamée pour son apport écologique, ne serait finalement pas si responsable pour la planète.

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Une production de données multipliée par 50 dans le monde d’ici 2020

L’utilisation des technologies numériques représente à elle seule plus de 10 % de la consommation mondiale d’électricité. Aujourd’hui, seuls 40 % de la population ont accès à Internet (en 2035 près de 90 % de la population mondiale pourra en profiter). De plus, 40 milliards d’objets connectés sont prévus dans le monde d’ici 2020. La consommation énergétique du numérique a donc tout pour évoluer de manière exponentielle. Les scientifiques estiment que l’on produira 50 fois plus de données en 2020 qu’aujourd’hui.


Ainsi les espaces de stockages de données, appelés « data centers », devront être de plus en plus nombreux et performants pour faire face à ce tsunami de données. « On estime qu’un data center moyen consomme autour de quatre mégawatts par heure, ce qui équivaut environ à la consommation de 3 000 foyers américains » soulignent Fabrice Flipo et Michelle Dobré, auteurs du livre La Face Cachée du Numérique. Cette consommation électrique provoque d’importantes émissions de gaz à effet de serre (GES), responsable du réchauffement climatique. En effet, 46 % de la production électrique mondiale repose sur le charbon et 23 % sur le gaz.

 

Même si l’impact environnemental du numérique peut pour l’instant sembler dérisoire lorsqu’on le compare à celui des transports ou du chauffage, les data centers représentent tout de même 1,5 % de la consommation électrique mondiale. Plus de 7 millions de serveurs sont présents en Europe (Google en possède à lui-seul 900 000) et sont regroupés par centaines ou milliers dans les data centers, dont les plus gros consomment autant d’énergie qu’une ville de 200 000 habitants. « Avec l’essor spectaculaire du stockage en ligne, ces chiffres sont appelés à croître sans cesse. La production de données pourrait être multipliée par 50 dans le monde d’ici à 2020 », précise Fabrice Flipo.

Un salarié français émet chaque année 514 kg de gaz à effet de serre

Le seul envoi d’e-mails d’une entreprise de 100 personnes émet chaque année autant de gaz à effet de serre que 14 allers-retours Paris – New York, soit l’équivalent de 13,6 tonnes de CO2. Les requêtes internet émettent quant à elles 10 kg de CO2 par internaute et par an.

 

Vous l’aurez compris, le monde du travail, depuis l’essor du numérique, a vu son empreinte environnementale devenir encore plus conséquente.

 

Chaque salarié consomme chaque année, à cause de son utilisation du numérique, 1 520 kWH d’énergie (l’équivalent de 50 ampoules basse consommation allumées plus de 2000 heures). Cela correspond à une émission annuelle de 514 kg de GES, soit l’équivalent de 3 100 km en voiture.

 

Les data centers, qui stockent et traitent les données des salariés lors de leur utilisation du numérique, ne représentent qu’une minorité des émissions nocives pour la planète. En effet, 80 % de l’impact a lieu lors de la fabrication des équipements informatiques. « On nous répète à satiété qu’il faut lutter contre les émissions de CO2 du numérique, notamment celles des centres de données. Mais, toutes les analyses de cycle de vie montrent que c’est surtout la fabrication des équipements qui concentre les impacts environnementaux : épuisement des ressources naturelles non renouvelables, pollution de l’eau, du sol et de l’air » rappelle Frédéric Bordage, consultant chez Green IT.

 

La fabrication d’un ordinateur nécessite un apport en matières premières de 100 fois son poids. L’allongement de la durée de vie de ces produits (gangrénée par l’obsolescence programmée) est donc un enjeu majeur pour rendre l’économie du numérique plus propre et amoindrir son impact environnementale. De plus les perturbateurs endocriniens et certains métaux lourds nécessaires à la conception des équipements informatiques posent des problèmes de santé publique en Chine, en Thaïlande et aux Philippines, où des niveaux élevés de pollution due aux phtalates et aux solvants chlorés sont enregistrés.

Quelles solutions pour alléger l’empreinte environnementale du numérique ?

Greenpeace, qui analyse chaque année la consommation énergétique de grands groupes, salue le cas d’Apple qui n’utilise que des data centers s’alimentant à 100 % avec des énergies renouvelables. Un exemple à suivre pour réduire l’impact écologique du numérique.

 

Les entreprises se doivent aussi de réduire leur usage des boites mail. « Contrairement à une idée reçue, le principal problème avec les mails ne réside pas dans leur stockage mais plutôt dans leur envoi. La solution consiste donc à bien réfléchir avant d’envoyer un mail, à privilégier le format texte brut, qui requiert 12 fois moins d’octet que le format HTML, à en limiter le temps de lecture, à réduire le nombre des destinataires et à éviter les pièces jointes trop lourdes », commente Frédéric Bordage.

 

La réduction des impressions et la sélection de papier certifié sont aussi vivement encouragées. En effet, les salariés français impriment plus de 65 kg de papier par personne et par an, ce qui représente une empreinte eau de 23 555 litres par an.

 

Il faut de même penser à éteindre ses équipements informatiques et à taper directement ses adresses url sans passer par Google, qui, pour donner une réponse rapide, fait appel à ses 2 millions de serveurs.

 

Enfin l’écoconception des logiciels doit se démocratiser. La performance accrue des logiciels récents les rend aussi bien plus énergivores (Microsoft Word requiert aujourd’hui 114 fois plus de mémoire vive que la version de 1997). D’après Frédéric Bordage, « Le plus important c’est la frugalité appliquée aux logiciels. On se concentre sur le message essentiel et sur des fonctionnalités non pas gadget mais vraiment utiles, car c’est ce que demande de plus en plus le consommateur. Les retours d’expérience des pionniers montrent un potentiel très important, de l’ordre de 2 à 100 fois moins de ressources informatiques nécessaires, à condition de s’intéresser à la conception et pas aux lignes de code ».

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Même si la situation ne paraît pas vraiment optimiste, il faut relativiser l’impact du numérique sur l’environnement. En effet celui-ci représente, en contrepartie de son empreinte carbone, un véritable outil de collaboration planétaire et de mesure de la pollution pour optimiser nos agissements. Il faut cependant que les gens prennent conscience des conséquences réelles de leur usage du numérique et que les entreprises soient plus responsables quant à la conception et à l’utilisation de leurs équipements.