Le « délit d’écocide » : qu’est-ce que c’est ?

Fin novembre, la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, et le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, ont annoncé la création d’un délit d’écocide. Une reconnaissance pénale très attendue qui figure sur la liste des propositions de la Convention citoyenne pour le climat (CCC). Dans les faits, ce délit devrait s’inscrire au sein d’une série de mesures de lutte contre le « banditisme environnemental ». Des « avancées majeures », même si la qualification de crime d’écocide n’a pas été retenue.

Annonces autour du délit d’écocide, les 5 points à retenir :

 

  • Introduction des « délit général de pollution » et « délit de mise en danger de l’environnement » ;
  • Création de juridictions spécialisées de l’environnement ;
  • Mise en place de sanctions à la fois dissuasives et proportionnelles à l’infraction ;
  • Absence du principe d’intentionnalité et condamnation plus lourde en cas de délits volontaires ;
  • Le « crime d’écocide » écarté en raison d’une traduction juridique complexe et du risque d’inconstitutionnalité.

Deux nouveaux délits pour des sanctions dissuasives

Le délit d’écocide intervient dans le cadre d’un premier délit général de pollution, prévoyant plusieurs degrés de sanctions proportionnelles à l’intentionnalité de l’auteur :

 

  • infraction d’imprudence ;
  • violation manifestement délibérée d’une obligation ;
  • infraction intentionnelle.

 

Les cas les plus graves d’infractions intentionnelles pourront être considérés comme délits d’écocide. Les peines déployées doivent dissuader toute tentative d’engranger des bénéfices en optant pour des alternatives polluantes :

 

  • de 375 000 euros à 4,5 millions d’euros d’amendes ;
  • et de 3 ans à 10 ans d’emprisonnement.

 

Le deuxième délit de mise en danger de l’environnement, vient sanctionner les violations délibérées d’obligation de sûreté, et ce, qu’elles aient entrainé ou non une pollution de l’environnement, précise la ministre de la Transition écologique. Les peines encourues sont de :

 

  • 100 000 euros d’amendes ;
  • et 1 an de prison.

Doit-on s’attendre à une nette augmentation des affaires portées jusqu’aux tribunaux et effectivement condamnées ?

Les agents de l’environnement se verront accorder le statut d’officier de police judiciaire afin de fluidifier les procédures. Ensuite, « dans chaque cour d’appel, il y aura un tribunal spécialisé en matière d’environnement, compétent tant en matière civile, pour l’indemnisation des préjudices par exemple, qu’en matière pénale », a précisé Éric Dupond-Moretti au JDD.

 

Concrètement, est-ce qu’une affaire comme celle de Lubrizol aurait été exposée à des sanctions plus sévères après la réforme ? La réponse est oui, selon Sébastien Mabile, avocat au barreau de Paris, spécialiste des contentieux environnementaux. Aujourd’hui, les peines sont inférieures à celles prévues par les nouveaux délits. Par ailleurs, les juges spécialisés ne traiteront que les atteintes à l’environnement, ce qui devrait accélérer leur traitement. L’avocat rappelle au micro de France Culture que dans cette affaire en particulier, l’article L.216.6 du Code de l’environnement permet déjà des poursuites pour atteinte aux milieux aquatiques. Il ajoute que le délit d’écocide proposé par le gouvernement représente en définitive un élargissement de cette incrimination aux sols et à l’atmosphère.

Qui est visé par l’introduction de ces nouveaux délits ?

Ces délits visent « tout le monde » a affirmé Barbara Pompili sur FranceInfodes particuliers jusqu’à l’État. Et pour être au plus près du terrain sur ces questions, les juridictions spécialisées s’assureront que « le droit de l’environnement soit respecté partout dans la vie quotidienne ». En cas d’atteinte constatée, l’obligation de réparation sera assurée par une Convention judiciaire d’intérêt public et l’instauration d’un dispositif de remise en état.

Pourquoi le « délit » a-t-il été préféré au « crime d’écocide » ?

Si le délit l’a emporté sur le crime, c’est avant tout pour garantir la constitutionnalité des textes. Au printemps 2019, le Sénat rejette l’inscription du « crime d’écocide » dans le droit pénal. Le groupe socialiste revoit sa copie et propose quelques mois plus tard un nouveau texte. Pour Nicole Belloubet, alors garde des Sceaux, la définition manque encore de clarté et de précision. Par ailleurs, l’existence d’un arsenal législatif permettant déjà la sanction envers les auteurs d’atteintes à l’environnement, fait définitivement pencher la balance en défaveur du texte, rejeté par l’Assemblée nationale le 12 décembre 2019.

 

Retour en force en 2020 : le « crime d’écocide » se fraye un chemin parmi les propositions de la Convention citoyenne pour le climat (CCC). La définition intègre cette fois-ci les limites planétaires afin de fixer des seuils aux entreprises avec des sanctions dissuasives en cas de dépassement. Un concept que les experts ont jugé difficile à transcrire sur le plan juridique, explique Barbara Pompili. Ce sera finalement le « délit » qui sera retenu et annoncé de concert par la ministre de la Transition Écologique et le garde des Sceaux. « Sur le terrain symbolique, le choix de ce mot, « crime », est un mot important. Mais à l’enthousiasme citoyen qui s’est exprimé doit succéder une traduction juridique dans le code pénal », confie Éric Dupond-Moretti au JDD.

Un mauvais signal ?

Du côté des 150 citoyens tirés au sort, les avancées prévues par le gouvernement sont saluées. Toutefois, parmi les membres les plus investis sur cette thématique, les craintes subsistent : les mesures annoncées sont-elles à la hauteur des ambitions initialement portées par la notion d’écocide ? Qu’en est-il de l’entrée de cette notion en droit international ? La ministre de la Transition écologique rappelle que le travail se poursuit sur ces questions, mais qu’ « en attendant, il ne faut pas s’empêcher d’agir. Il était urgent de mettre les atteintes à l’environnement à un niveau suffisant dans notre droit ».

👉 Le saviez-vous ?

Les membres de la CCC planchent également sur l’amélioration des performances énergétiques des bâtiments et proposent notamment la rénovation globale de 20 millions de logements d’ici à 2030, dont 5 millions de passoires thermiques. De nombreuses aides ont été mises en place par l’État afin de soutenir les projets de particuliers concernés. Pour y voir plus clair, QuelleEnergie.fr propose un calculateur d’aides simple, gratuit et adapté à chaque projet.

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